[DC] Head Hunter

[shenron]

Voila un sort bien triste que celui réservé à Head Hunter : sorti en fin de carrière de la Dreamcast dans l'indifférence générale, et sitôt oublié malgré une adaptation sur PS2 et une improbable suite sur la même console, le jeu d'action/infiltration aurait mérité mieux...

Vous incarnez Jack Wade, ex-chasseur de primes top classe, sorte de Lorenzo Lamas avec moins de cheveux et plus de cervelle... Après une courte intro en images de synthèse un peu pourrie, dans laquelle on vous voit vous échapper d'un laboratoire et vous écrouler sur le sol, vous voila à l'hôpital, avachi devant les informations télévisées et partiellement amnésique. Jusqu'à ce que Angela Stern, une grande blonde filiforme avec des seins trop gros pour être honnêtes, vous demande de retrouver l'assassin de son père, Christopher Stern. Bien. Le meilleur chasseur de primes du pays va reprendre du service.

Avant de continuer, il est nécessaire de poser le décor : nous sommes aux Etats Unis, dans un futur proche.
Je ne vais pas tout vous dévoiler, mais en gros : la police a été remplacée par une gigantesque milice privée, l'ACN, et des chasseurs de prime recrutés sur leur simple habileté, sans aucun critère de moralité. Les organes sont devenus les biens les plus précieux, à tel point que les armes conventionnelles ont été interdites et remplacées par des armes neuroquelquechose qui grillent le cerveau sans toucher au reste du corps. D'ailleurs, Jack est invité à vite quitter son lit d'hôpital sous peine de devoir payer la chambre avec un de ses reins... Enfin, le laboratoire Biotech a élaboré, en partenariat avec l'ACN, des puces qui permettent de contrôler les agissements des criminels; voire même leurs pensées.

Le regretté Chris Stern était le directeur de l'ACN, et tout le monde soupçonne Don Fulci, le parrain du Syndicat, de l'avoir tué. Mais tout le monde a-t'il raison ?

Pour le savoir, il faudra partir à la chasse aux indices dans les bas-fonds de la ville, avec l'aide d'Angela et de sa moto, et de quelques rares contacts au sein de l'ACN.
Le jeu se déroule en trois phases :

-Les phases en moto, dans lesquelles vous vous déplacez au sein de la ville d'un point à un autre, en tâchant d'éviter les autres véhicules.
-LEILA, le centre où vous passerez vos différents permis de chasseurs de prime
-Les phases d'action à proprement parler, qui constituent le corps du jeu.

Dans ces phases d'action, le déroulement est assez classique, puisqu'il suffit de remplir des objectifs basiques pour terminer le niveau, et donc faire avancer le scénario. La manière d'y arriver, par contre, est assez intéressante. Car en plus de maîtriser le maniement d'armes diverses, variées et d'autant plus destructrices que son rang augmentera, Jack (quel homme !) peut se contenter de se la jouer Snake et d'être discret, en longeant les murs et en étranglant les gardes par derrières. Il est en général possible d'appliquer la méthode de son choix, et les bourrins sont autant les bienvenus que les plus subtils.

Techniquement, Head Hunter n'a pas grand chose à se reprocher. Les graphismes sont très réussis, les musiques, très hollywoodiennes, collent très bien à l'ambiance du jeu, et l'animation est plus que satisfaisante, même si Jack à un peu l'impression d'avoir un manche à balai coincé quelque part.

La jouabilité est plus sujette à des critiques : si les menus sont plutôt ergonomiques, en particulier le menu rapide qui permet de changer d'arme et de se soigner rapidement dans le feu de l'action, la caméra, a un peu tendance à faire n'importe quoi : outre les passages où celle-ci est fixée dans des coins pas possibles uniquement à des fins de mise en scènes, elle est absolument infichue de vous mettre en face de l'ennemi quand vous vous mettez en joue, et l'angle de vue change parfois brutalement d'une pièce à l'autre, ce qui est particulièrement déroutant.

On pourra aussi regretter le fait que la manip pour étrangler est la même que pour tirer, ce qui cause quelques tracas, et également l'incapacité totale de Jack de flanquer ne serait-ce qu'une gifle à ses ennemis au corps, ce qui l'oblige à les repousser bêtement.

L'aspect infiltration n'est également pas très développé, puisque vos ennemis sont sourds, et que les cadavres disparaissent tous seuls sans que vous ayez à les cacher. Par contre, leur angle de vision est relativement large, et n'est pas indiqué par un cône comme dans Metal Gear Solid, il faudra donc être attentif.

Mais tous ces petits tracas n'entament pas vraiment le plaisir ressenti à balancer une balle-leurre dans un coin pour éloigner un garde de ses petits copains, avant de lui briser la nuque et de finir les autres au Stimulator ou Regulator...

Cela dit, le véritable intérêt de Head Hunter est ailleurs : car c'est son scénario, ou plutôt sa mise en scène qui le rendent si intéressant. En effet, le monde dépeint dans le jeu, où la population a accepté de troquer sa liberté contre la promesse d'une totale sécurité, où l'être humain n'est plus qu'une marchandise, et où la télévision n'est plus qu'un pion du pouvoir en place, rappelle fortement celui de Robocop, y compris dans l'humour noir présent en permanence.
Il suffit de voir les fausses pubs, qui vantent la vente d'organes en viager, les boissons énergétiques sans aucun ingrédient naturel, ou encore les flashs infos (avec de vrais acteurs), dans lesquels les présentateurs se félicitent du fait que la police des frontières a empêché l'immigration illégale d'organes, pour y voir l'influence du film de Verhoeven, et sa critique de la dérive totalitaire de notre société moderne. Tout, absolument tout est monnayable, et même le pire des criminels peut être blanchi pour peu qu'il paie sa caution.

Le personnage même de Jack, même s'il n'évite pas la caricature de la coolitude du héros solitaire, avec sa barbe de trois jours et ses lunettes de soleil (qui ne servent à rien mais qui le rendent si classe), participe à cette ambiance : un peu désabusé, pince-sans-rire, ses dialogues sont souvent piquants et très amusants, d'autant plus que si les scènes cinématiques sont moyennes techniquement, elles sont plutôt bien doublées.

Bref, je pourrais parler encore longtemps de ce jeu, qui fut un véritable coup de coeur pour moi malgré ses nombreux défauts (ah, la gestion des check points...). Pas aussi léché qu'un MGS dans son gameplay, Head Hunter est pourtant un incontournable de la Dreamcast, même s'il faut parfois pas mal d'indulgence pour en apprécier la saveur.

Un trailer du jeu :
http://fr.youtube.com/watch?v=tubW2KzJMRs

Et un flash info gratiné :
http://fr.youtube.com/watch?v=dW-gsRG76RA