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Originally posted by Dobmec@Samedi 16 Avril 2005, 11:51
A lire en entier, c'est apolitique, pas partisan, et totalement objectif.
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Pas partisan, je rigole. Il est tout aussi partisan que moi. Y a qu'à lire son intro (ainsi que la bibliographie plus bas). Le souverainisme, même modéré, n'est pas de gauche ou de droite, mais c'est un courant de pensée pour lequel on peut avoir parti pris.
Son argumentation n'est pas difficilement démolissable. J'ai discuté avec des partisans du non qui avaient des arguments + convaincants. Il n'y a que son propos sur le parlement qui s'avère intéressant et vraiment non partisan.
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1.* Une Constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible.
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La Constitution Européenne ne se substitue pas à la Constitution Française, ce n'est pas son but. Il s'agit d'ailleurs d'un traité constitutionnel, rassemblant tous les traités existants ; c'est ça son but. S'il est prof de droit, il devrait le savoir.
D'ailleurs, ce prof nous dit que les Espagnols qui ont voté pour n'ont certainement pas tous lu le texte. Je lui demande : combien de Français ont lu la Constitution Française ?
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2.* Une Constitution doit être politiquement neutre : ce texte-là est partisan.
Une Constitution démocratique n'est pas de droite ou de gauche, elle n'est pas socialiste ou libérale, une Constitution n'est pas partisane : elle rend possible le débat politique, elle est au-dessus du débat politique.
À l’inverse, ce "traité constitutionnel", en plus de fixer la règle du jeu politique, voudrait fixer le jeu lui-même !
En imposant dans toutes ses parties[2] (I, II et surtout III) des contraintes et références libérales, ce texte n'est pas neutre politiquement, il impose pour toujours des choix de politique économique qui doivent évidemment dépendre du débat politique quotidien, variable selon la conjoncture.
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C'est tout à fait exact. Faire le choix de la Constitution, c'est se fermer la possibilité d'adopter une économie d'inspiration marxiste et s'engager à rester capitaliste. Sur ce point-là, il y a parti pris en faveur de l'économie de marché, c'est vrai. C'est pour ça que les communistes sont contre et c'est pour ça que je respecte leur vote : eux au moins savent pourquoi ils votent non.
Pour ma part, je veux que la France reste une économie de marché et ne vire pas coco, donc ce verrouillage ne me gêne pas.
Maintenant, autre chose sur le libéralisme. J'ai l'impression que beaucoup ne savent plus ce que c'est. Le libéralisme, c'est un principe d'ouverture économique avec d'autres pays ; il s'oppose en cela au protectionnisme, qui à l'inverse prône la fermeture des frontières et une économie close.
Le protectionnisme peut être une bonne chose pour un pays en développement, à l'économie encore fragile, pour la protéger des exportations des pays développés. Pour un pays faisant partie du G7, c'est du suicide, c'est détruire tout le commerce extérieur, c'est une grave erreur (sauf si, comme Hitler dans les années 30 alors que l'industrie allemande était florissante, vous préparez une guerre mondiale).
Le libéralisme, c'est comme l'islam, comme le socialisme, et comme toutes les idées humaines, y compris la Nintendomanie, hein Firou
. C'est une très bonne chose, du moment que cela ne vire pas à l'extrémisme. La version extrême de l'islam, c'est l'intégrisme ; tous les musulmans sont-ils intégristes pour autant ? Non. Faut-il empêcher l'islam parce qu'il y a des intégristes ? Non. Le libéralisme c'est pareil. C'est pas parce qu'il y a des ultra-libéraux qui marchandisent la planète (Bush, Sarko, Berlusconi...) qu'il faille se priver du libéralisme. Jospin, Zapatero, Bayrou, Delors sont tous des libéraux ; il n'y a qu'Arlette pour voir en eux de dangereux hommes de main du patronnat. Laissons la paranoïa aux trotskyistes.
J'aimerais ausis insister sur un point important : c'est quoi "faire l'Europe" ? Faire l'Europe, c'est que les pays européens s'unissent pour être + forts. Et comment on fait pour s'unir ? -> on ouvre ses frontières pour laisser passer hommes, marchandises et capitaux. Comment faire pour s'ouvrir si on est protectionniste ? Impossible. Comment on fait pour s'ouvrir sans être libéral ? Impossible. La seule façon de construire l'Europe passe par l'ouverture des frontières, donc par le libéralisme. Quoi de + normal alors que la Constitution Européenne prenne parti pour le libéralisme, vu qu'elle est fondée dessus !!
Etre contre cette idée, c'est être contre la construction européenne. De Villiers et Chevènement sont souverainistes, ils sont donc contre cette idée. Ils sont cohérents dans leur vote, je les respecte pour ça. Moi je ne suis pas souverainiste, je suis au contraire pour la construction européenne, donc pour le libéralisme qu'elle implique.
En outre, et ce prof se garde bien de le dire, si la France choisissait De Villiers ou Chevènement comme président, la Constitution ne nie pas ce choix démocratique vu qu'elle laisse la possibilité à tout état-membre de quitter l'Union.
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3.* Une Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité.
Le "traité constitutionnel" est beaucoup trop difficilement révisable[7] : pour changer une virgule à ce texte, il faut d'abord l'unanimité des gouvernements pour tomber d'accord sur un projet de révision, puis il faut l'unanimité des peuples (parlements ou référendums) pour le ratifier.
Avec 25 États, cette procédure* de double unanimité est une vraie garantie d'intangibilité pour les partisans de l'immobilisme.* Ce texte est pétrifié dès sa naissance.
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"Une Constitution est révisable"...
C'est un prof de droit qui dit ça...
Justement, l'avantage d'une Constitution comme celle de la France, par rapport aux pays qui ont un système juridique basé sur les traditions comme le Royaume-Uni, c'est que c'est un texte qui reste une référence à travers le temps. Si on la changeait à tout bout de champ, elle n'aurait plus aucune valeur. Donc heureusement que les Constitutions, ça se révise de façon drastique. Voyez les dirigeants de certains pays qui s'amusent à réviser leur Constitution pour pouvoir se représenter aux élections, pour avoir l'immunité diplomatique à vie, etc...
Surtout que là on est 25 pays ! Si l'Autriche basculait extrême droite, n'est-ce pas une bonne chose que les dirigeants de ce pays ne puissent pas nuire à l'Europe grâce au principe de double unanimité ?
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En établissant une Constitution par voie de traité, procédure beaucoup moins contraignante qu’une lourde assemblée constituante, (publique, contradictoire et validée directement par le peuple), les parlements et gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait comme s’ils étaient propriétaires de la souveraineté populaire, et ce traité, comme les précédents, peut s’analyser comme un abus de pouvoir : nos élus, tout élus qu’ils sont, n’ont pas reçu le mandat d’abdiquer notre souveraineté. C’est au peuple, directement, de contrôler que les conditions de ce transfert, (à mon avis souhaitable pour construire une Europe forte et pacifiée), sont acceptables.
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L'argument chevènementiste habituel...
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4.* Une Constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là organise un Parlement sans pouvoir face à un exécutif tout puissant et largement irresponsable.
L'esprit des lois décrit par Montesquieu est sans doute la meilleure idée de toute l'histoire de l'Humanité : tous les pouvoirs tendent naturellement, mécaniquement, à l'abus de pouvoir. Il est donc essentiel, pour protéger les humains contre la tyrannie, d'abord de séparer les pouvoirs, et ensuite d'organiser le contrôle des pouvoirs : pas de confusion des pouvoirs, et pas de pouvoir sans contre-pouvoirs.
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Les pouvoirs sont dévolus au Conseil Européen dont, en vertu de la Constitution, son président sera élu désormais pour 2 ans et demi par les citoyens. Ils est donc renversable.
Le Conseil Européen est constitué des dirigeants européens. Ils sont renversables, comme on l'a vu en Espagne récemment.
Les propos que ce prof tient sur le manque de pouvoirs du Parlement Européen, je suis assez d'accord. Mais le ton dramatique employé (le terme "tyrannie" en référence à Montesquieu) me fait sourire. Bill Clinton dirigeait les Etats-Unis alors que son parlement était majoritairement républicain, je ne vois pas en quoi c'est une atteinte à la démocratie !
Il y aura une vraie réflexion à mener sur les pouvoirs du Parlement Européen, et beaucoup de politiciens d'Europe le soulignent déjà, surtout parmi les courants démocrates-chrétiens et sociaux-démocrates (majoritaires au Parlement, quelle surprise).
Même si ce prof se moque des maigres avancées qu'apporte la Constitution à ce niveau, il ne faut pas oublier que voter non au référendum annihilera justement ces avancées et ramènera à la situation actuelle qu'il décrie tant. Des deux maux je choisis le moindre et je vote oui.
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5.* Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties.
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Parce que, justement, cette Constitution est d'abord la réunion en un seul texte de tous les textes existants, pour éviter le bordel que leur nombre impliquait.
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Pour parler franchement, j'aimerais que les parlementaires eux-mêmes soient plus agressifs pour exiger ce pouvoir qu’ils sont seuls à incarner, normalement, du fait du suffrage universel direct.
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Là dessus, je suis on ne peut plus d'accord !
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En prônant la liberté comme une valeur supérieure, au lieu de la fraternité, en institutionnalisant la compétition, la concurrence, au lieu de la collaboration et l’entraide, en imposant dans le texte suprême à travers le dogme de la concurrence absolue, et finalement une morale du « chacun pour soi et contre tous », en détruisant la régulation par l’État, gardien de l’intérêt général, pour instaurer la régulation par le marché, somme d’intérêts particuliers, les économistes libéraux s’en prennent aux fondements de la démocratie pour, tout compte fait, affranchir les principaux décideurs économiques de tout contrôle.
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Ne pas confondre libéralisme et ultra-libéralisme (voir + haut).
Si les dirigeants français sont contre l'ultra-libéralisme, la Constitution ne les en empêchera pas.
En outre, si Sarkozy est président, il n'aura pas besoin de la Constitution pour mener une politique ultra-libérale.
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N'y aura-t-il en France que quelques rares émissions à des heures tardives pour organiser les débats contradictoires indispensables pour se forger une opinion éclairée ?
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C'est un gros problème, je suis d'accord.
Un petit Delors contre Chevènement, ou Bayrou contre Dupont-Aignan, ça pourrait être sympatique.